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Wonder Aspie Woman !
12 février 2014

Le long chemin jusqu'au diagnostic (suite et fin)

 

 

Jeune adulte, je me rappelle avoir regardé d'un œil distrait, en tombant dessus un peu par hasard, des reportages sur l'autisme. Je me souviens avoir pensé que, par certains côtés, je ressemblais beaucoup aux enfants/adolescents de ces documentaires, notamment le monde intérieur, les intérêts obsessionnels, l'intolérance au bruit, la souffrance en situation sociale. Cependant, jamais il ne me serait venu à l'esprit de me demander : "Et si j'étais autiste moi aussi ?" parce qu'à l'époque, tout ce que l'on entendait/voyait sur les autistes, c'étaient des enfants (jamais d'adultes) non verbaux, mais malgré tout génies en maths (pour lesquels mon niveau n’excède guère le CE2…). Je n'y ai donc pas prêté plus d'attention que cela.

J'ai continué, maladroitement, mes recherches, tout en étant sous anti-dépresseurs, que je n'osais pas arrêter, de peur que la situation n'empire, même si je me rendais bien compte du fait qu'ils n'apportaient aucune amélioration de mon état. Jamais mon niveau d'anxiété ne baissait, me laissant dans un état d'épuisement total.

Parallèlement, de nouvelles difficultés s'ajoutaient à ma vie. L'emploi, par exemple. Comme beaucoup d'étudiants, je faisais du baby-sitting dans l'année et cherchais des "jobs d'été". C'est au cours de ceux-ci que ma différence avec les autres m’est apparue de manière encore plus aiguë. Malgré mes efforts, je peinais à comprendre ce que l'on attendait de moi, ne parvenais pas à m'adapter, etc. Je me sentais terriblement stupide et incompétente. J'en suis même venue à démissionner deux fois de jobs d'un mois au bout de deux jours, alors même que j'avais besoin d'argent. J'étais submergée par l'angoisse, avec l'impression d'être téléportée dans un monde étranger, entourée de gens ne parlant pas la même langue. Mes parents ont pris cela comme une sorte de surmenage après une année dense à la fac et m'ont dit de me reposer. Au fond de moi, je savais que c'était plus grave que cela. Et surtout, j'étais perplexe : comment pouvais-je être capable de suivre des études supérieures, d'être hyper cultivée dans certains domaines, et, à côté de cela, incapable d'occuper des fonctions basiques au sein d'une entreprise en plein mois d'août ? Incapable de passer un bête coup de fil ?

De plus en plus persuadée d’être « anormale », j’ai malgré tout continué mon cursus universitaire, tout en évitant le plus possible le monde de l’entreprise…

Parvenue au bout de mes années d'études, je me décidais à m'inscrire en thèse de doctorat, probablement parce que je me sentais incapable de m'insérer professionnellement. Cette thèse, je la traînerai pendant plusieurs années, sans jamais la finir. Je manquais de réelle motivation et surtout, j'étais épuisée, épuisée comme quelqu'un ayant déjà beaucoup vécu, alors même que j'aurais dû, à 25 ans, être pleine d'énergie et de projets. Certes, ma vie sociale était devenue plus riche, mais, intérieurement, j'étais de plus en plus mal et porter mon masque social était une tâche de plus en plus lourde.

Au cours de ces années, j'ai rencontré celui qui allait devenir mon mari.

Lorsque nous nous sommes installés ensemble, j'étais persuadée que l'expérience serait de courte durée. Je me fermais parfois à toute communication ou avait des réactions disproportionnées à certains événements, 

Après quatre ans ensemble et beaucoup de difficultés, nous sommes devenus parents. A ce moment là, je me suis dit que j'allais peut-être enfin me sentir mieux, me sentir femme, grandir, être plus sûre de moi, etc. Je me suis lourdement trompée car tout n'a fait qu'empirer. Disons qu'à la faveur des changements hormonaux  et de mes questionnements sur ma capacité à être maman, mon fond "autistique" est ressorti de plus belle. Seule la perspective de bientôt connaître mon bébé me permettait de garder la tête hors de l'eau. Malheureusement, la "rencontre" avec ma fille n'a pas été celle que j'espérais. J'étais éreintée, incapable de supporter ses pleurs. Tout le monde a cru à une dépression post partum, mais je savais qu'il y avait autre chose. Rien n'allait dans ma vie : ni ma vie conjugale, ni ma vie de maman, ni ma vie professionnelle. Je me sentais terriblement nulle et coupable. J'étais malheureuse et rendais les autres malheureux également.

Devant ce tableau pathétique, j'ai recommencé mes recherches sur "ce truc" qui clochait chez moi.

Ma fille avait presque un an lorsque je suis tombée un jour sur la description du syndrome d’asperger sur internet. Intérieurement, mon coeur s'est arrêté de battre quelques secondes et je me suis dit : "c'est moi !". Après quelques hésitations, j'en ai parlé à mon mari et nous avons commencé à lire chacun sur le sujet. Plus je lisais, plus cet auto-diagnostic devenait pour moi une évidence. Mon mari, de son côté, parvenait à s'expliquer la plupart de mes réactions étranges. Il est redevenu plus indulgent à mon égard et nous avons recommencé à communiquer. Un jour, après avoir lu sur un blog que l'on pouvait demander un diagnostic à des centres dénommés "CRA", j'ai pris mon courage à deux mains et téléphoné au CRA de ma région. Je voulais en avoir le coeur net. On m'a orientée vers une psychiatre jeune et spécialisée en matière d'autisme. Je me suis rendue, tremblante, au premier rendez-vous, avec un résumé écrit de ce que j'endurais, afin que ma capacité à masquer mon mal-être ne conduise pas la psy à des conclusions trop hâtives. 

Au bout d’une heure, j’entendis : « vous avez probablement raison, nous allons réaliser un bilan diagnostic qui permettra de confirmer vos soupçons ». J'étais à la fois effrayée et soulagée. Enfin, j'allais être prise en charge. Mais si je m'étais trompée ? Ou si j'avais raison mais que l'on ne me croyait pas ? J'en étais là en juin 2012. J'ai passé les étapes du bilan au cours de l'automne, et reçu mon diagnostic en janvier 2013. On m'a avoué que me diagnostiquer avait été très compliqué car j'avais développé de telles stratégies de compensation que j'étais sans doute l'une des personnes les plus douées pour masquer ma condition. Le témoignage de mon mari a vraisemblablement été crucial pour eux. Une fois le diagnostic posé, j'ai continué à me cultiver sur le syndrome d’Asperger, ce qui m'a permis de mieux me comprendre et me respecter. J'ai également commencé à reprendre confiance en moi, de manière très timide toutefois. Car, à côté de cela, ma situation n'est toujours pas brillante, notamment sur le plan professionnel. Je pars aujourd’hui du principe qu'il faut que je fasse désormais de mon handicap une force, mais le chemin est semé d’embûches. Ce qui compte cependant, c’est, qu’aujourd’hui, je m’accepte telle que je suis : une jeune femme, une épouse et maman atypique, mais pleine de bonne volonté.

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